Du 20 au 23 avril 2023 s’est tenu à l’Abbaye de Sylvanès le colloque international “Musiques modales d’aujourd’hui et d’hier : une approche par la pratique”, durant lequel David Chappuis a donné une conférence intitulée “Entre formules mélodiques et polyphonie : l’art de la conciliation au temps de Philippe de Vitry”.

Résumé

Au milieu de la première colonne du folio 75v du traité De musica mensurabili (BnF Latin 16’663), Jean de Garlande précise que les règles qu’il vient d’énoncer concernant les formules mélodiques doivent être appliquées dans le plain-chant et dans la polyphonie (discantus), mais que dans cette dernière, elles sont parfois restreintes à cause de la disposition de la consonance, c’est-à-dire des règles contrapuntiques en usage. Un détail dans la formulation de ce passage indique que Garlande ne pense qu’à la partie inférieure de la polyphonie, probablement parce que le tenor est majoritairement issu, à son époque, du répertoire liturgique auquel il vient d’emprunter ses exemples mélodiques. En poursuivant le raisonnement, nous pourrions émettre l’hypothèse suivante : si, selon Jean de Garlande, le tenor doit observer tant qu’il le pourra les formules du chant monodique et ne les modifier qu’en cas d’incompatibilité contrapuntique, ne pourrait-il pas en aller de même pour les parties supérieures de la polyphonie (motetus, triplum) ? Si tel était le cas, l’art de la conciliation entre les formules mélodiques d’une part et le contrepoint d’autre part, ne serait-il pas la clé de résolution du problème épineux des « conjointes » (conjunctae, musica ficta, musica falsa) ?

En croisant des exemples tirés des sources musicales et théoriques, nous montrerons comment les chanteurs au temps de Philippe de Vitry (1291-1361) devaient concilier monodie et polyphonie et quelles conséquences l’application des formules mélodiques pouvaient avoir tant sur les échelles modales que sur le contrepoint.