En date du 10 octobre 2020, le public de la Fondation Royaumont était convié à un alléchant Parcours autour de Philippe de Vitry. Resté, pour des raisons sanitaires, confiné sous les voûtes du réfectoire des convers, le concert-présentation qui en tint lieu permit néanmoins aux huit musiciens sélectionnés par la Fondation de faire sonner haut et fort l’Ars nova française.

Ce concert était le point d’orgue d’une formation de cinq jours, assurée par David Chappuis (polyphonie, solmisation), Olivier Bettens (monodie, déclamation) et Tiago Simas Freire (ornementation et écriture instrumentales), dont le but premier était de permettre à de jeunes professionnels d’approfondir leur connaissance et leur pratique des musiques de Philippe de Vitry et Guillaume de Machaut.

Mais c’était aussi un passionnant terrain d’expérimentation pour le versant ars canendi du projet Vitry :

  • Tessitures : suite aux premières expérimentations, on aurait souhaité pouvoir entendre cette musique avec un baryton (pour la voix de tenor) et des ténors aigus pour les voix supérieures, ce que ne permettait pas l’effectif sélectionné. Si ce recours à des voix masculines reste un objectif en soi, il apparaît à ce stade que des voix féminines seraient bienvenues, ce qui devrait influer sur la suite de l’expérimentation, prévue pour début 2021.

  • Déclamation : le travail sur les sonorités et les lignes d’une prononciation historique du latin (à la française) et du français médiéval s’avère payant, surtout lorsque les chanteurs ont du temps pour s’approprier les textes en tant que tels, et non comme des syllabes éparses. À cet égard, le travail sur des pièces monodiques ainsi que la déclamation parlée des vers français, et même latins, sont particulièrement formateurs.

  • Matériel d’exécution : le dispositif informatique mis en place dans le cadre de notre démarche éditoriale nous permet plusieurs types de sorties imprimées. Si la partition “moderne” reste un outil efficace pour déchiffrer très rapidement une pièce, les chanteurs qui s’en contenteraient courent le risque, par manque d’approfondissement, de passer à côté de la musique. La présence, durant une partie de la formation, de Robert Piéchaud a permis de soumettre à l’expérimentation des chanteurs un matériel moins conventionnel : des parties séparées en notation noire originale, qui pourraient préfigurer notre future édition imprimée. L’utilisation de ce support (on atteint maintenant à une très belle qualité typographique) rend certes le déchiffrage plus ardu, mais il stimule l’écoute réciproque et, en fin de compte, l’appréhension de la musique s’en trouve facilitée.

  • Solmisation : comme on peut le voir, la partie de triplum ci-dessus ne comporte pas d’altérations éditoriales (dièses ou bémols), mais des indications de solmisation, dans le but de permettre une appréhension plus globale de la musica ficta. Amenés à mieux anticiper leur parcours dans ce système, les chanteurs acquièrent des réflexes mélodiques proches de ceux qu’inculquait l’éducation musicale au Moyen Âge.

  • Ornementation : les versions instrumentales de motets de Philippe de Vitry qu’on trouve dans le codex Robertsbridge sont abondamment ornées, ce qui reflète vraisemblablement des pratiques communes aux instrumentistes et aux chanteurs. Au contact des instrumentistes engagés dans la formation, nos chanteurs ont gagné en liberté et pu commencer à improviser des ornements vocaux.

Ont participé à l’expérimentation : Marjeta Iva Cerar, Marthe Davost, Sofia Flores, Maud Haering, Benjamin Ingrao, Valentine Lorentz, Ryszard Lubieniecki, Mauricio Montufar.